Aurélie GOSSELIN
Psychopédagogue et psychopraticienne
Diplômée en Neuropsychologie
psy cog pedagogique
Aurélie GOSSELIN
Psychopédagogue et psychopraticienne
Diplômée en Neuropsychologie

Quelle évolution pour la psychopédagogie en France au XXe siècle ?


1 commentaire

Un premier article historique qui permet de retracer l'histoire de la psychopédagogie, de la fin du XIXe siècle jusqu'au début du XXIe. Au gré des évènements qui ont jalonné le XXè siècle, cet article permet de mettre à jour les enjeux et les objectifs de la psychopédagogie dans la prise en charge des enfants en difficulté d'apprentissage.

Sommaire

Fin du XIXè - Début du XXè : Les prémices de la psychopédagogie

L'école maternelle : champ d'expérimentation de la psychopédagogie

L'entre-deux guerres : des tentatives de restructuration

Au lendemain de la Guerre : l'essor de la psychopédagogie

Fin du XXè siècle : De la psychopédagogie aux Sciences de l'Education

Une petite histoire de la psychopédagogie en France au XXe siècle

De la fin du XIXè siècle au début du XXIè, la psychopédagogie connait un destin tourmenté en France. Entre nécessité de prendre en compte les spécificités des élèves après l'instauration de la scolarité obligatoire et méconnaissance de la psychologie de l'enfant, il faudra attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour que la psychopédagogie connaisse son heure de gloire. Depuis, on assiste à l'effacement progressif, au sein du système scolaire, de cette discipline pourtant essentielle mais dont il est parfois difficile de donner une définition.

Fin du XIXè - Début du XXè : Les prémices de la psychopédagogie

Au carrefour entre la psychologie et la pédagogie, on retrouve les premières traces d'études en psychopédagogie, en France, à la fin du XIXe siècle.

En 1881 et 1882,  les lois Ferry rendent l'école primaire gratuite d'abord, obligatoire ensuite. L'école, jusqu'ici réservée aux enfants des classes populaires supérieures ou de la petite bourgeoisie, s'ouvre aux enfants des classes populaires les plus basses dans la société. 

Rapidement, les conditions de vie de ces enfants (misère, malnutrition, maladie contagieuse)  et le contexte socio-économique dans lequel ils grandissent posent la question de leur adaptation à l'école (et réciproquement).

Pour répondre à cette problématique, le Ministère de l'Education s'intéresse de près au repérage des enfants en difficulté et confie à Alfred Binet la mission de créer des outils qui permettrait de les identifier. Les premiers tests psychométriques sont créés à cette occasion avec pour vocation (dans l'esprit de leur créateur) de créer des structures permettant l'accueil des élèves en difficulté pour favoriser ensuite leur réinsertion dans le cursus normal. Malheureusement, ces tests seront, plus tard, détournés aux Etats-Unis dans une logique ségrégationniste, entachant de racisme le travail de Binet.

Dans le même temps, la SLEPE (Société Libre pour l'Etude Psychologique de l'Enfant), est créée en 1899 par Ferdinand Buisson avec pour objectif explicite d'élaborer des méthodes spécifiques d'éducation qui reposeraient sur une connaissance pointue de la psychologie de l'enfant.  

test psychométrique

Toutefois, si les objectifs sont louables, la réalité demeure bien loin des attentes : l'école élémentaire a, alors, pour principal objectif d'assurer aux enfants, futurs travailleurs, un niveau de connaissance minimal et toute son organisation tend à répondre à cette philosophie sans se soucier de faire preuve de pédagogie.

La réussite de l'enfant reste, de fait, excessivement corrélée à la classe sociale de ses parents et les élèves en difficulté sont considérés comme "anormaux" (arriérés ou instables selon qu'ils présentent des difficultés d'apprentissages ou de comportement).

Heureusement, les lois de 1881 et 1882 apportent également leur lot de changements dans l'accueil des tout petits et cette évolution ouvrira la voie à de nouvelles perspectives à l'école primaire pendant l'entre-deux guerres.

L'école maternelle : champ d'expérimentation de la psychopédagogie

école maternelle

Parallèlement au travail mené à l'école élémentaire, l'accueil des jeunes enfants (de moins de 6 ans) évolue lui aussi avec les lois Ferry.

Regroupés jusqu'ici dans des salles d'asile qui accueillaient en moyenne une centaine d'enfants par jour, ces derniers étaient confiés à la responsabilité de jeunes femmes titulaires d'un certificat d'aptitude (obtenu à la suite d'un examen) et d'un certificat de moralité. Des activités diverses à visée éducative étaient proposées au cours de la journée : les élèves étaient entraînés à réciter, prier et devaient changer d'activité au son du sifflet.

En 1881, les salles d'asile changent de nom pour devenir écoles maternelles et, sous l'impulsion de Pauline Kergomard, adoptent des méthodes d'enseignement radicalement différentes, devenant ainsi le lieu d'une expérimentation de la psychopédagogie. En s'appuyant sur le jeu, l'exercice des sens, l'activité physique ou encore le maniement d'objets, Pauline Kergomard entend donner aux enfants le goût de l'observation et la passion de comprendre.  

Parallèlement, l'observation des processus d'apprentissage mis en œuvre par les enfants, notamment dans les activités montessoriennes, donne aux pédagogues l'envie de les comprendre et d'assoir leurs pratiques sur une réelle connaissance du développement de l'enfant et de sa psychologie.

Ce travail de théorisation sera, entre autres, réalisé par Ovide Decroly en Belgique. Celui-ci posera notamment l'enseignant comme le garant des apprentissages dont l'élève sera présenté comme l'acteur principal : c'est en agissant et en observant au sein et hors de la classe que l'élève découvre et apprend. Ses centres d'intérêt doivent être stimulés pour favoriser le goût d'apprendre.

L'entre-deux guerres : des tentatives de restructuration

Sous l'impulsion des changements inaugurés à l'école maternelle et sous l'influence de ces nouveaux courants de pensées, l'école élémentaire voit ses programmes légèrement modifiés au lendemain de la Première Guerre mondiale. 

S'ils affichent toujours la volonté de n'enseigner aux enfants que "ce qu'il n'est pas permis d'ignorer", en 1923, les nouveaux programmes esquissent une progression des apprentissages en fonction de l'âge et mentionnent l'importance que l'enfant "travaille avec joie et profit" en ayant l'impression "d'avancer et de progresser".

Psychologie au travail

Dans les faits, la réforme de 1923 n'a que peu d'effets : la formation des enseignants ne bénéficie pas d'un enseignement réel de la psychologie de l'enfant et les différentes tentatives de réformes qui se succèdent dans les années 1930 demeurent vaines par manque d'implication de la classe politique.

À titre d'exemple, en 1936, Jean Zay propose une réforme qui semble s'appuyer sur les principes de la psychopédagogie : ainsi, il suggère que le cursus de l'élève soit conditionné par ses goûts et ses aptitudes que l'enseignant devra prendre en compte pour conseiller la famille. Dans les faits, cette proposition fait suite à l'allongement de la scolarité obligatoire jusqu'à 14 ans (décision politique pour lutter contre le chômage en limitant le nombre de travailleurs sur le marché) et s'avère être une parodie de classe d'orientation qui doit laisser à penser que les goûts de l'enfant sont pris en compte dans son cursus quand il s'agit essentiellement d'orienter chacun dans la voie que lui assigne la classe sociale de ses parents. 

psychopédagogie

La psychopédagogie devient, à cette occasion, l'outil de basses manœuvres politiciennes et cette réforme ne verra finalement pas le jour, du fait du contexte international et de la Seconde Guerre mondiale qui éclate sur le continent européen.

Il faudra donc attendre la fin de la Guerre pour que de nouvelles structures et de nouvelles réformes se mettent en place.

Au lendemain de la Guerre : l'essor de la psychopédagogie

Au lendemain de la Guerre, la reconstruction du système éducatif est difficile : les écoles sont détruites et manquent de moyens (chauffage), le matériel manque cruellement (encre, papier, tables chaises). Le rationnement perdure jusqu'en décembre 1949 et les cantines manquent de tout : les enfants souffrent de dénutrition ou de malnutrition.

essor de la psychopédagogie

Pour répondre à ces problématiques, le Ministère de la Santé et le Ministère de l'Education s'associent pour créer le premier Centre Médico-Psycho-Pédagogique à Paris (CMPP), au lycée Claude Bernard en 1946. Ces CMPP prenaient appui sur les avancées considérables réalisées en psychologie pendant l'entre-deux guerres.

Ils avaient pour mission d'accompagner les enfants et les adolescents déscolarisés ou en situation difficile dans la reprise de leurs études. 

La création des CMPP est accompagnée, à la Libération, par la réforme Langevin-Wallon qui propose, pour la première fois, le découpage des programmes d'enseignement en cycles respectueux de la psychologie de l'enfant et de son développement. Le texte prévoit la formation des enseignants à une pédagogie active et crée également le rôle de psychologue scolaire au sein des établissements dans l'idée d'assurer un suivi et un travail conjoint avec les enseignants.

Fin du XXè siècle : De la psychopédagogie aux Sciences de l'Education

Dans le même temps, Gaston Mialaret (directeur du premier laboratoire de psychopédagogie) donne enfin une définition de la psychopédagogie qu'il caractérise comme un ensemble de pratiques et de théories pédagogiques s'appuyant sur les connaissances en psychologie de l'enfant et de l'éducation.

Sous son impulsion, des chaires de psychopédagogie sont d'abord crées dans les Ecoles Normales avant que des départements de Sciences de l'Education ne voient le jour dans les Universités françaises, regroupant une pluralité de disciplines autour de la pédagogie, de la psychologie et de la didactique : le terme de "psychopédagogie" s'efface du langage universitaire.

Sur le terrain, sont crées en 1970, les Groupes d'Aides Psycho-Pédagogiques qui unifient et formalisent des tentatives de formation et d'accompagnement au sein des écoles.

Les CMPP, initialement institués au sein du réseau scolaire s'en éloignent pour conserver une dimension plus médicale tandis que les GAPP (devenus depuis les RASED) continuent de s'inscrire comme internes à la dynamique du système scolaire avec pour objectif de s'intéresser aux conditions psychologiques de réussite de l'enfant.

Psychopédagogie aide

Les réformes qui se succèdent ensuite, depuis le début des années 1980,  voient l'effacement progressif dans les dénominations et au sein des institutions scolaire de la psychopédagogie, accusée de rendre les enfants et les familles coupables des difficultés rencontrées à l'école. 

De nouvelles politiques de prise en charge des difficultés sont déployées à l'échelle des territoires (classement en zone d'éducation prioritaire auxquelles sont attribués davantage de moyens). Couplées à des coupes budgétaires importantes, ces nouvelles politiques laissent de côté une partie des enfants en difficulté qui ne bénéficient pas des moyens proposés. 

C'est pourtant dans la prise en charge psychopédagogique de ces enfants et de leurs familles que peuvent être étayées les compétences (parentales ou scolaires) et ainsi permettre, à chacun, de vivre et d'investir sa propre scolarité et sa réussite.

Sources de l'article


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1 Commentaires

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JLG
16 AUGUST 2022 à 19:19

Très intéressant et bien documenté. Ca donne envie d'en savoir plus

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