Chroniques d'une psychopédagogue - Juin 2025
Dans quelques heures ou quelques jours, les vacances vont commencer, apportant avec elles, un repos bien mérité et une envie toute légitime de ne rien faire - surtout pas travailler en tous cas - pendant deux mois. Mais parfois, aussi, au soulagement vient s'ajouter un petite pointe de culpabilité : faut-il faire des devoirs ?
Pour ma part, j'aime bien considérer que ces vacances sont l'occasion d'un nouveau départ, une façon d'anticiper les bonnes résolutions de septembre pour leur donner une chance de durer. Après une fin d'année souvent compliquée, la bonne solution se trouve peut-être dans le compromis !

« Prenez un peu de repos afin de finir plus vite. », George Herbert
Vacances d'été : Une pause salutaire ?
Vous attendez les vacances avec impatience ? Moi aussi ! Et pourtant... Contre ma propre volonté, mon cerveau ne peut s'empêcher de faire des listes interminables : mettre le site à jour, prendre de l'avance sur les articles de blog (ou rattraper mon retard plutôt), relancer les réseaux sociaux (ou pas ?)...
Et je suis prête à parier que votre cerveau n'est pas en reste : réviser les tables de multiplication et la conjugaison, revoir les problèmes en mathématiques, lire tous les jours, inscrire les enfants à des stages de remise à niveau, etc, etc.

Le temps de cet article, je vous propose de faire une pause et qu'ensemble, nous discutions des meilleures pistes pour profiter de l'été sans craindre la rentrée.
Prendre le temps
La dernière journée de classe est à peine terminée, le cartable tout juste abandonné que déjà surgissent les cahiers de vacances sur les bureaux ou dans les sacs à dos. Dès demain, c'est sûr, votre enfant travaillera un quart d'heure par jour. Objectif ? Une page de devoirs chaque jour ! Vous lui avez dit et redit. Vous êtes résolu(e) et vous avez un peu la pression. Plus que lui en tous cas.
Et si vous preniez plutôt le temps ? De ranger, de trier, de souffler. De prendre le rythme si particulier de ces deux mois d'été et d'en discuter avec votre enfant. Qu'a-t-il réussi cette année ? Qu'a-t-il trouvé difficile ? Relisez les bulletins et les évaluations. Faîtes une liste peut-être des notions qu'il faudra absolument reprendre, de celles qu'il a bien comprises.

Interrogez-vous aussi sur ce que vous attendez de ce quart d'heure de devoirs : qu'il révise tout ? Ou rien en particulier ? Qu'il fasse juste chauffer son cerveau pour ne pas perdre les bonnes habitudes ? Ou, enfin, qu'il comble ses lacunes et surmonte ses difficultés ?
Pour beaucoup, les devoirs sont sources de tensions tout au long de l'année. Les échéances, les évaluations, le temps qui file et la fatigue sont anxiogènes. Inutile de rejouer le même scénario pendant les vacances, surtout quand rien ne vous y oblige.
Lâcher du lest
En écrivant cet article, je ne peux pas m'empêcher de penser à certains des élèves que j'accompagne. Je pense à ceux pour qui les devoirs sont une torture, ceux qui doivent approfondir le travail personnel, ceux qui doivent apprendre leurs leçons avant le contrôle. Ceux qui, en réalité, y ont passé des heures, en vain.

Ceux qui ont pleuré et leurs parents avec. Ceux qui s'endorment avec, en tête, la dernière appréciation du prof qui n'a pas idée des efforts fournis.
Je suis une inconditionnelle des cahiers de vacances mais je pense à eux. J'estime qu'ils ont le droit de lâcher, de profiter, d'être autre chose que l'élève en difficulté.
Et puis, surtout, je sais. Je sais qu'à la rentrée, ils auront (presque) tous oublié le résultat de 7x8 ou les propriétés du carré, qu'ils ne sauront plus distinguer le CCL du CCM et qu'ils mettront un -s à la première personne du futur. Mais je sais aussi que les enseignants le savent, qu'ils prendront le temps à la rentrée de rappeler, de réexpliquer et de remettre tout ça dans l'ordre. Et s'ils ne le font pas, c'est qu'ils ont oublié qu'ils ont été, eux aussi, des enfants un jour.
Et enfin, je sais que ce n'est pas un quart d'heure par jour dans un cahier de vacances qui fait la différence.
Se réconcilier
Alors, c'est vrai, je suis pour que les enfants et les adolescents travaillent régulièrement pendant les vacances. Mais seulement si cela permet à chacun de s'y retrouver et de se retrouver. Et je suis convaincue que les vacances sont aussi le bon moment pour trouver une autre façon de travailler.
Votre enfant a des difficultés en dictée ? Ecrivez une histoire ensemble ou choisissez-en une qui lui plaise et proposez-lui une phrase par jour, pas plus. Encore mieux : créez un document texte, imprimez les phrases et faîtes-lui-en piocher une que vous lui dictez.
Les problèmes de mathématiques sont difficiles ? Achetez-lui un cahier, faites des intercalaires par types de problèmes et proposez-lui un problème par jour à coller et à résoudre dans la bonne partie de son cahier. Encouragez-le à faire un schéma, à dessiner, à colorier si cela lui chante.

La compréhension de textes est un point d'attention ? Imprimez des lectures mystères (ou inférences) et travaillez-les sous forme de devinettes. Chacun son tour.
Les conjugaisons et les tables de multiplications sont encore fragiles ? Pensez aux Cartatoto et créez les vôtres !
Ce ne sont plus des devoirs, ce sont des rituels ciblés, adaptés. Faîtes-en des moments ludiques et sans enjeu. Variez les activités.
Il ne s'agit pas de renoncer mais plutôt de faire un pas de côté.
Travailler autrement
J'ai, parmi les élèves que je suis, un petit gars de bonne volonté. Il travaille. Beaucoup. Et sa maman aussi. Depuis que je l'accompagne, il a gagné en autonomie, il prend confiance et pourtant les notes stagnent. Il est considéré comme étant en difficulté mais un peu fainéant aussi. Et puis, un jour, quelqu'un lui explique la consigne en évaluation. Quelqu'un lui dit, tout simplement que Localise, ça peut vouloir dire Indique mais aussi Trouve sur la carte. Et il réussit son contrôle. Et les suivants aussi.
Pour cet élève, nous avons réclamé des aménagements, expliqué les difficultés cognitives : la flexibilité, la compréhension, la planification... Il a fallu deux ans pour que quelqu'un nous entende et fasse la différence.
Mais vous, à la maison, vous n'avez pas besoin d'attendre.
En faisant des mots mêlés, il sollicite sa mémoire à court terme et son attention soutenue. Le Sudoku est excellent pour la logique et la prise en compte de contraintes. Le jeu des 7 erreurs l'oblige à mettre en place une stratégie et à chercher des informations dans un document. Une partie de Color Addict ou de Bazar Bizarre exerce sa flexibilité et sa vitesse de traitement.

Retrouver le chemin de la plage ou du marchand de glaces exerce ses capacités de planification et de repérage spatial. Et un simple Jacques a dit l'oblige à réfréner son impulsivité.
Il travaille sans le savoir, autrement, mais il développe des compétences indispensables à ses apprentissages.
Et tranquillement préparer la rentrée

Bien sûr, la rentrée viendra quand même. Elle apportera avec elle, comme chaque année, son lot de devoirs, de nouvelles leçons à apprendre et d'évaluations à réviser. Mais vous ne pourrez rien y changer.
En revanche, vous pouvez changer la façon d'aborder cette échéance et les contraintes qui vont avec. Vous pouvez poser les bases d'une nouvelle organisation plus sereine. Et les vacances sont l'occasion rêvée pour le faire parce que vous avez le temps.
Il faut prendre le temps de tester des choses, de travailler à l'explicitation des consignes, à la compréhension de l'implicite, à la mise en place de rituels pour entrer dans le travail. Sur le plan cognitif, on parle d'initiation et c'est souvent ce qui (em)pêche : la mise en route est (trop) longue, source de colère et de conflits. Tout le monde est épuisé avant même d'avoir commencé.
Cet été, prenez le temps. D'essayer, de rater, de discuter, d'apprendre à démarrer. Cet été, apprenez-lui qu'on peut travailler autrement. Que parfois, il faut savoir perdre du temps pour en gagner. Qu'on peut aussi apprendre en jouant et que ce n'est pas grave s'il ne connait toujours pas ses tables à la rentrée surtout s'il sait (enfin) quels cahiers mettre dans son cartable le lundi soir.
Alors, cahier de vacances ou pas, je vous souhaite surtout de profiter de l'été et de garder en tête qu'apprendre, ça s'apprend !
Bonnes vacances !
