Chroniques d'une psychopédagogue - Octobre 2025
Cette semaine, j’ai eu trois annulations.
Trois annulations de dernière minute, trois annulations de la part de professionnels de l’enfance ou de l’Éducation nationale qui souhaitaient échanger avec moi sur le métier de psychopédagogue. Ces trois annulations sont toutes arrivées dans les vingt-quatre heures qui ont précédé le rendez-vous, et dans la majorité des cas, ces personnes ont annulé lorsqu'elles ont réalisé que ce temps d’échange était payant.
« L'engagement est ce qui transforme une promesse en réalité. », Abraham Lincoln
Quand on a envie mais pas trop quand même...
On pourrait croire que c’est anecdotique. Il se trouve que ce n'est pas le cas.
Depuis le début du mois de septembre, j’ai reçu dix demandes de rendez-vous sur le sujet.
Dans neuf cas sur dix, les rendez-vous ont été annulés parce que ces enseignants pensaient vraiment qu’échanger avec moi pendant une heure et quart sur leur projet professionnel était gratuit.
Futurs professionnels, vraiment ?
Je suis donc bénévole mais sans le savoir. Je suis bénévole parce que ces mêmes personnes, qui arpentent mon site de long en large (cet article est le plus lu sur le blog), font mine de ne pas avoir vu les tarifs ou les conditions d’annulation. Ces mêmes personnes qui souhaitent se lancer, se reconvertir et seront, un jour peut-être, à ma place contraints, à leur tour, de gérer un emploi du temps, les annulations, le désengagement mais aussi le manque de respect qui va avec.
Ce même manque de respect qu’ils ont pour moi aujourd’hui lorsque, dans le meilleur des cas, ils m’expliquent avoir un engagement professionnel de dernière minute (les 4A ont sans doute réclamé un cours supplémentaire...). Le même qu’ils ont pour moi quand ils disparaissent de la circulation jusqu’à l’heure de notre rendez-vous et ne se connectent jamais à notre rendez-vous en visio.
Bien sûr, je suis agacée. Rien que pour cette semaine, ces annulations représentent environ 250 euros de pertes sèches. Quand quelqu’un annule le matin même ou quand il ne se présente pas au rendez-vous, je ne peux pas réattribuer ce créneau à quelqu’un d’autre.
Reconnaissance à sens unique
Je suis agacée aussi parce que ces professionnels, issus pour la plupart de l’Éducation nationale, sont souvent les premiers à réclamer, à juste titre, la reconnaissance de leur métier, de leurs compétences et de leur temps.
J’ai travaillé dans l’Education Nationale. Je sais le temps que prennent les préparations, les corrections, les réunions, les échanges avec les familles. Je sais les remarques sur les 25h par semaine et je comprends.
Ces mêmes personnes, cependant, reproduisent exactement ce qu’elles reprochent au reste de la société. Quand elles me demandent vingt minutes au téléphone, nous savons très bien, elles comme moi, que ces vingt minutes deviendront une heure, voire une heure et demie.
Et si je consacre une heure ou une heure et demie à trois personnes différentes dans la semaine, c’est quatre, cinq ou six heures pendant lesquelles je ne fais pas ma comptabilité, je ne réponds pas aux familles, je n’échange pas avec les enseignants, je ne prépare pas mes séances et je n’écris pas pour le blog.
C’est du temps que j’offre gracieusement à des personnes que je ne connais pas et qui me sollicitent alors même qu’elles nient, par leur demande, mon expérience et mes compétences.
Un peu de solidarité, enfin !
À côté de ces dix rendez-vous annulés, j’ai reçu une quinzaine de mails de personnes qui souhaitaient discuter du métier et de la reconversion, et qui, malgré les messages très clairs présents sur mon site et sur mon blog, m’ont quand même sollicitée pour me demander si, à titre exceptionnel et parce qu’elles sont issues de l’Éducation nationale, je pouvais leur accorder un peu de mon temps gratuitement. Sait-on jamais, sur un malentendu...
Comme si le simple fait d’avoir appartenu à cette grande famille créait une sorte de passe-droit.
Je l'ai fait au début, quand je me suis installée et que les premières demandes sont arrivées. Je l'ai fait parce que j’avais envie d’aider et de permettre à d'autres de partir de l'Education Nationale. Et c’est justement cette expérience qui m’a appris que je n’ai plus ce temps-là à offrir.
Une des rares personnes qui a honoré son rendez-vous me l’a d’ailleurs dit très justement : nous ne sommes pas deux copines qui discutons autour d’un thé. Elle ne me connaît pas et je ne la connais pas, et ce qu’elle paye, c’est mon retour, mon expérience, mon avis et mes conseils.
S’acheter un peu de rêve…
Ces mêmes personnes hésitent pourtant rarement à payer un bilan de compétences ou une formation privée en ligne, vaguement exhaustifs mais autrement plus chers qu’un temps d’échange avec moi.
Elles sont prêtes à investir dans des programmes qui promettent beaucoup et qui montrent peu. Elles sont prêtes à payer cher pour s’acheter un peu de rêve et se dire que demain ou après-demain, elles se lanceront bien sûr. Après tout, elles ont fait la formation et on leur a promis que ce serait facile. Et la personne au téléphone était vraiment gentille et compréhensive. Et puis, le coach en développement personnel auprès de qui elles ont fait un bilan leur a dit qu’elles avaient toutes les compétences.
Donc, tout ira bien. Mais plutôt demain ou le mois prochain.
Alors, c’est vrai : je ne vends pas de rêve. Je ne vends pas d’illusions et je ne promets pas des projets irréalisables qui fonctionneraient comme par magie. Je ne raconte pas que tout ira bien si vous ouvrez un compte Instagram ou si vous suivez deux conseils glanés sur les réseaux. Je vous parle loyer, charges, URSSAF et cotisation foncière. Je vous parle annulations (ô surprise !), manque à gagner et solitude. Mais je vous parle aussi de liberté, de satisfaction, de don de soi et des familles accompagnées.
… Pour éviter la réalité
Quand les rendez-vous sont honorés, je réponds avec honnêteté, exhaustivité et bienveillance. J’écoute et j’entends les situations individuelles et la souffrance légitime.
Mais surtout, je dis la vérité.
Se lancer en libéral représente un investissement. Cela demande du temps, de la formation et de l’argent, beaucoup d’argent. Cela demande des sacrifices, des renoncements.
Je parle ici de plusieurs milliers d’euros, parfois plus. Je parle de disponibilités le samedi, le mercredi après-midi et le soir tard. Je parle aussi de changer de niveau de vie.
Alors la question que je pose aujourd’hui à ces personnes qui prennent un rendez-vous qu’elles n’honorent jamais, aussi bien avec moi qu'avec elles-mêmes, est simple : sont-elles vraiment prêtes à s’engager dans leur propre projet ?
